Monday, July 19, 2004

Encyclopédie : Algérie Culture

Algérie - Culture
Littérature

La littérature algérienne est marquée par l'obligation d'un choix de la part des auteurs entre l'arabe et le français : l'influence durable de la domination linguistique et culturelle de la France en Algérie, jointe au besoin pour les écrivains de trouver une audience, amène nombre d'auteurs à s'exprimer en français mais leurs œuvres n'en demeurent pas moins profondément nationales, et des écrivains comme Muhammad Ettamar et le poète Abdallah Cheriet (Cendres , 1970) étudient les problèmes théoriques que posent les littératures, d'expression arabe d'une part, française d'autre part, face à la culture arabe et islamique dans son ensemble.

C'est le domaine de la poésie qu'illustrent principalement les auteurs algériens de langue arabe : d'abord essentiellement politique, avec Abd el-Karim Akkoun (1915-1949) et Moufdi Zakariya (né en 1912), elle trouve une inspiration sociale avec Abou el-Quassem Saad Allah , et se fait plus personnelle et lyrique avec un poète comme Mohammed el-Akhdar el-Saïhi (né en 1917), auteur des recueils Murmures et Cris et L'Inspiration du Sahara . Le roman de langue arabe, peu développé, est cependant représenté par Abd el-Hamid ben Haddouqa (né en 1925), auteur de L'Algérie entre le passé et le présent et de plusieurs recueils de nouvelles.

La littérature algérienne de langue française

Elle se définit moins par le lieu de naissance des auteurs (on n'y compte pas Albert Camus, pourtant auteur de belles pages sur l'Algérie, où il est né) que par le souci de contribuer à forger culturellement le pays. Tel est le cas, dès avant la guerre d'indépendance (1954-1962), du poète kabyle Jean Amrouche (1906-1962), qui réunit les Chants berbères de Kabylie (1939) et donne avec L'Éternel Jugurtha (1946) un essai emblématique de ce qui sera, pour beaucoup d'écrivains algériens, la quête de la " vraie patrie ". Tel est le cas aussi de sa sœur, Marguerite-Taos Amrouche (1913-1976), première femme algérienne à avoir été publiée (Jacinthe noire , roman autobiographique, 1947), du poète Jean Sénac (1926-1973), entièrement liéà l'Algérie nouvelle, et des pères de la littérature algérienne de langue (et de forme) française : les romanciers Mouloud Feraoun (1913-1962 ; Le Fils du pauvre , 1950), Mohammed Dib (né en 1920 ; La Grande Maison , 1952 ; L'Incendie , 1954 ; Le Métier à tisser , 1957), Mouloud Mammeri (1917-1989 ; Le Sommeil du juste , 1955) et Kateb Yacine , le plus ardent, le plus novateur et dont Nedjma (1956) reste le livre phare de cette littérature et de cette nation " en gestation ".

La société en question

Après 1962, les écrivains algériens ont à définir une nouvelle attitude. Kateb Yacine garde ses distances. Il ne rentrera en Algérie qu'en 1972 et se tournera alors vers l'animation théâtrale, écrivant pour sa troupe des pièces en arabe populaire. Ceux qui ne se satisfont pas de célébrer les héros de la guerre d'indépendance exercent leur esprit critique sur les mécanismes du nouveau pouvoir (Mouloud Mammeri, L'Opium et le bâton , 1965) et, plus profondément, sur la société algérienne et la culture traditionnelle. Ils en dénoncent les facteurs d'oppression, notamment à l'égard des femmes (Rachid Boudjedra , né en 1941 : La Répudiation , 1969 ; Assia Djebar , née en 1936 : Femmes d'Alger dans leur appartement , nouvelles, 1980). Ils s'en prennent, dans des récits-apologues parfois très vigoureux, aux tares sociales, au goût de la violence, aux valeurs fossilisées. Rachid Mimouni (1945-1995) publie Tombéza en 1984 et L'Honneur de la tribu en 1989. Tahar Djaout (1954-1993), par trop irrespectueux de la prédication coranique (L'Invention du désert , 1987), sera assassiné par des intégristes.

Pour d'autres, au contraire, l'Algérie tend à devenir la source d'un imaginaire profond et une référence culturelle plus qu'une réalitéà laquelle se confronter dans l'urgence. L'histoire des Berbères est ainsi au cœur de l'œuvre de Nabile Farès (né en 1940 ; Le Champ des oliviers , 1966), et celle de l'Algérie constitue le sujet même du grand roman d'Assia Djebar, L'Amour, la fantasia (1985). Pour Mohammed Dib, les réalités algériennes semblent s'éloigner au profit de la méditation et du travail d'écriture (Feu beau feu , poésie, 1979 ; Les Terrasses d'Orsol , roman, 1985 ; Le Sommeil d'Ève , roman, 1989).

La littérature des " beurs "

À la littérature algérienne, il faut rattacher celle des " beurs ", nés et vivant en France, pour qui l'" algérianité " reste déterminante. Parmi ces " écrivains des deux rives " (selon une expression désormais consacrée), la plus connue est Leïla Sebbar (née en 1941), dont la Shéhérazade exprime de façon typique cette double appartenance : Shéhérazade (1982), Le Fou de Shéhérazade (1985), Les Carnets de Shéhérazade (1991).

Cinéma

L'Algérie, dont le réseau de salles est le plus important d'Afrique, avait dès l'indépendance créé une structure de protection nationale. Issu du maquis et directeur de l'Office national du cinéma algérien, Mohammed Lakhdar-Hamina est indéniablement resté la plus forte personnalité du cinéma algérien. Après la sobre et douloureuse évocation, dans Le Vent des Aurès (1966), du courage quotidien d'un peuple incarné symboliquement par une mère à la recherche de son fils mort au combat pour l'indépendance, il signe des œuvres résolument didactiques, destinées au public international : Chronique des années de braise (Palme d'or au festival de Cannes, 1975) et Vent de sable (1982), peinture accusatrice de la condition féminine dans la société coranique.

La guerre d'indépendance fut longtemps l'une des sources d'inspiration majeures du jeune cinéma algérien. Des cinéastes de grand talent, comme Ahmed Rachedi (L'Aube des damnés , 1965 ; L'Opium et le bâton , 1970) ou Abdellaziz Tolbi (Noua , 1972), lui consacrèrent des films dont le souffle épique et la richesse visuelle exaltaient, à la manière du cinéma soviétique des années 1920, l'idéal révolutionnaire.

C'est toutefois en France que Okacha Touita devait tourner Les Sacrifiés (1982), qui évoque avec beaucoup d'honnêteté et de courage les dissensions souvent cruelles qui opposèrent les militants nationalistes du FLN à ceux du Mouvement nationaliste algérien (MNA ).

Outre ce souci historique d'évocation d'un passé récent, l'analyse du monde contemporain, un regard critique sur le présent, l'examen subtil des conflits entre l'ancien et le nouveau mode de vie, de ce que l'un et l'autre peuvent avoir de positif, constituent les autres points forts du cinéma djiddid (nouveau). Les thèmes exploités sont le nouveau rôle de la femme, l'entrave au changement que représentent les codes traditionnels régissant la famille et le mariage, la remise en cause des habitudes sexuelles, l'urbanisation sauvage, les rapports avec le tiers-monde, d'une part, et le modernisme (l'occidentalisation), d'autre part. Mohamed Bouamari fut le premier à tenter de répondre aux problèmes posés par la difficile transition entre l'ancienne et la nouvelle société algérienne dans ses films plongés dans le quotidien : Le Charbonnier (1972) et L'Héritage (1974). Plus tard, Les Fils du vent , de Brahim Tsaki , décrit une réalité vue par les yeux d'enfants, qui sont les premiers à souffrir de ces problèmes actuellement sans solution. Dans Omar Gatlato (1976), radiographie ironique et amère d'un fonctionnaire des douanes faite par lui-même, et dans L'homme qui regardait les fenêtres (1982), où il demande quel peut être le sens de la vie pour un travailleur algérien, Merzak Allouache poursuit l'analyse implacable des habitudes sociales et de leurs contradictions. Un toit, une famille (1982), de Rabah Laradji , a pour sujet un mariage arrangé par les parents mais surtout la difficile recherche d'un toit par les époux. Dans Une femme pour mon fils (1983), tiré de l'un de ses romans, Ali Ghanem pose le problème de la condition féminine. Mais l'œuvre la plus nouvelle par son style est peut-être Les Folles Années du twist (1983), de Mahmoud Zemmouri , à qui l'on devait déjà l'original Prends 10 000 balles et casse-toi (1981), consacré au délicat problème de l'immigration algérienne en France.

Les difficultés politiques et le développement du terrorisme intégriste ont progressivement tari les sources d'inspiration du cinéma algérien, dont la production n'atteint même plus dix longs métrages par an. Quelques cinéastes parviennent encore à se faire l'écho d'une réalité de plus en plus occultée par la censure et le centralisme : Mohamed Chouikh (Youssef , 1993), Mahmoud Zemmouri (L'Honneur de la tribu , 1993) ou le toujours caustique Merzak Allouache (Bab-el-Oued Story , 1994) permettent de ne pas désespérer d'une cinématographie dont l'avenir est tout aussi incertain que celui du pays.

Voir articles complémentaires :
Algérie - Géographie
Algérie - Histoire




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